samedi 27 mars 2021

Covid-19 et Afrique : solidarité pédagogique par le numérique

En Afrique, la pandémie de la Covid-19 a causé moins de dégâts que dans les autres continents. Cette situation a néanmoins davantage entravé l’éducation, déjà marquée par l’absence de scolarisation de plus de 200 millions d’enfants et d’adolescents. La suspension des cours a touché 140 millions d’enfants de la région de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale. Le développement du numérique est vite apparu comme une solution de diffusion pour répondre aux besoins de formation et d'apprentissage. Cependant, pour ce qui est du développement des technologies de l’information de la communication et de leur utilisation, l’Afrique est toujours loin de pouvoir se mettre au niveau des autres puissances mondiales. Si les mesures prises ont parfois permis, dans certains pays, de favoriser la continuité de l’éducation à partir de chez soi, malheureusement, en raison d’infrastructures insuffisantes, notamment dans certaines zones géographiques, et du manque de ressources d’apprentissage en ligne, ces efforts présentent des limites en termes d'inclusivité et d'équité.

Ce continent possède beaucoup de richesses naturelles, mais connaît un grand retard technologique. 

Des partenaires comme “Education Cannot Wait” ont pris l’initiative de faire un acte solidaire et d'allouer 15 millions de Dollars à la réponse de support humanitaire mondiale à la Covid-19. Ce soutien se traduit notamment, afin de réduire l’effet de la pandémie sur l’éducation, par des subventions de 1,5 millions de dollars au Burkina Faso et la République démocratique du Congo et de 250 millions de dollars à 35 pays d’Afrique, à destination, plus spécifiquement des élèves les plus pauvres et les plus vulnérables. Certains habitants du Mali et du Bénin ont également fait preuve de solidarité envers leur pays de façon totalement gratuite.

Au Mali, plus précisément à Bamako, un projet nommé “So Kalan”, qui signifie “l’école à la maison” en bambara, langue du pays, a été mis en œuvre. Il consiste à mettre en place des partenariats avec des écoles qui prônent l'excellence, en créant des capsules didactiques, séquences de vidéos courtes de 1 à 5 minutes en général. Ces vidéos sont diffusées à la télévision sur la chaîne locale : “Africable télévision”. Il y a des cours de mathématiques, de physique-chimie, de géographie et de français pour les élèves de la classe de 3e à la 2de. Pour les élèves qui n’ont pas pu assister aux cours diffusés à la télévision, il leur est possible de rattraper les cours sur la plateforme numérique appelée “So Kalan.com”. Pour y accéder, il faut un pseudo et un mot de passe individuel. Il est aussi possible de se connecter à d’autres réseaux sociaux comme Facebook, WhatApp, Linkedin, entre autres, pour suivre les cours. Il existe aussi une autre plateforme liée à “So Kalan.com” qui, elle, est dédiée à l’interaction entre élèves et professeurs pour des questions liées au cours diffusés durant la semaine ou même pour bénéficier de cours de soutien. Comme la majorité de la population n’a pas de connexion à l’internet ou même d'ordinateurs, l'option la plus pratique a donc été la diffusion à la télévision. Cependant, il conviendra à l'avenir pour le gouvernement d'investir dans le développement du numérique : ainsi, davantage de jeunes auraient un accès facile à internet et/ou à des ordinateurs et/ou à la télévision, et par suite à un enseignement en distanciel plus interactif.

 Ada Ouologuem, de So Kalan 
                                         

Publicité de l’émission So Kalan

Plus de 90% des populations d'Afrique subsaharienne regardent la télévision tous les jours. Même si 80% ont un téléphone, peu d'individus ont un accès facile à Internet. Cela rend l'apprentissage en ligne pour tous plus difficile, en particulier pour les populations les plus isolées ou les plus vulnérables, qui souffrent le plus des inégalités en matière d'accès à l'éducation. A cette fin, cette initiative pourrait se poursuivre au-delà de la crise de la Covid-19, en tant que facteur d'amélioration à l'accès à l'éducation pour tous.

Au Bénin, dans la ville de Cotonou, un projet nommé “Classe-19” a été mis en place. Le principe est le même que celui de “So Kalan”. Ce qui change est le mode de diffusion. Des professeurs certifiés ont fait plus de quarante enregistrements avec des activités, des leçons et des exercices d'entraînements, qui ont été enregistrés sur des DVD. Sachant que pour lire un DVD, il nous faut un ordinateur ou une télévision, le développement du numérique aidera beaucoup, car l'accès au digital n’est pas donné à tous. Un peu moins de 15 000 DVD ainsi ont été distribué du nord au sud du pays dans des commerces de proximités tels que les pharmacies. 

Roland Houngbadji, fondateur de Classe-19


Exemplaire d'un DVD du projet Classe-19

Il est impératif d’assurer à tous un accès à l’éducation. Heureusement que des gens de bonne volonté prennent leur relais, par leur sens de l’initiative, à la passivité des Etats. Le rôle de ces derniers est pourtant déterminant, notamment en termes d’investissement dans le numérique. Est-il seulement acceptable que les dirigeants des pays africains délaissent ainsi leur jeunesse ? L’Afrique n’aurait-elle donc pas les moyens de mener une véritable politique de développement au service de l’éducation ?

Le Mali et le Bénin ne sont pas des pays très développés ; pourtant, ils ont, à l’occasion de la crise sanitaire, fait preuve de volontarisme en matière d’éducation des jeunes en s’efforçant de garantir une certaine continuité pédagogique. D’autres, en revanche, comme l’Angola, ont tout simplement fermé les établissements scolaires, pendant des mois, sans alternative. Plutôt que de demeurer sans rien faire en attendant que la pandémie cesse, les pays francophones d’Afrique, plus investis dans l'éducation que les pays non francophones, pourraient à ce titre servir de modèle de développement. Être solidaire, c’est faire évoluer son pays.

Denise Zaka
Alicia Nunes

1 commentaire:

  1. Bonsoir Denise et Alicia, un grand merci pour cet article fort intéressant. Covid aura au moins l'unique bénéfice d'élargir notre relation à l'enseignement et à l'apprentissage et finalement pouvoir adapter pour beaucoup l'accès au savoir quand les moyens numériques le permettent. Nous avons tant de chance au lycée français Alioune Blondin Beye de pouvoir bénéficier d'un enseignement en présentiel avec un professeur en chair et en os ! (Dominique JUPITER V.)

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